ETAT D’URGENCE

publié le 5 juin, par fabien |

Exposition par Bernard Fontaine...À suivre dans un frisson dans la nuit

Le contraire d’une vérité banale, c’est une erreur stupide.
Le contraire d’une vérité profonde, c’est une autre vérité profonde. Niels Bohr

La fin est dans le commencement et cependant on continue.
Au début, parce qu’il faut un début, il s’agissait de faire bouche-trou. Ça nous arrive avec Saoud Salem de jouer les utilités en cas de défection d’un artiste. Il faut assurer la continuité de l’activité galerie de canal sud. Quasiment aucune interruption depuis presque 40 ans d’expositions mensuelles.
Je rappelle que dans une approximation lacanienne, la galerie canal sud avance que « l’artiste s’autorise de lui-même » … Bien sûr, ça peut parfois provoquer des surprises mais pas plus qu’une longue thérapie chez un psychanalyste qui s’autorise de lui-même.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’être dupe de la formule qui est belle provocante et bien sûr inopérante.
Mais sauter le pas, ce qui est aujourd’hui plus facile pour moi que de sauter trois marches dans un escalier et me réceptionner de belle façon. Alors continuons, en espérant faire un texte argumentaire qui ronronne et ne dit rien de fondamental, de transcendantal ou bêtement porteur d’émotion. Suis-je capable de faire une macronerie sans demander à ChatGPT ?
J’ai appris, ça avec François Bon que même pour soi dans la ville, pour soi, on n’utilise plus ni, je ni nous, mais on.
Même pour soi, on dit on…

Alors, je vais essayer de ne pas dire on, pour moi.
Le début, c’était il y a une dizaine de jours et puis, le début, il y a le milieu et tout le monde sait après Beckett que le milieu, c’est le pire.
Et là, je pars à Prague m’enlevant ainsi toute chance de préparer quoi que ce soit.
Prague, c’est bien sûr tout un tas de choses et surtout une ville tchèque, c’est-à-dire qu’on y trouve ce que l’on cherche et en art plastique, c’est sacrément riche.
Le musée Kampa, Dox, Le Rudolfinum plus toutes les villes périphériques qui y vont de leurs musées d’art modernes, Louny, Çeska Krumlov il n’y a pas cette classification vaine entre musée et centre d’art sans qu’on sache ce que cela veut dire.
Donc, 2024, l’année la mort de Kafka, une expo Kafkaesque, de multiples interprétations de ce que représente Kafka, de nombreuses œuvres tournent autour de la lettre écrite à son père…
Mais pas de bavardage, le milieu, c’est la mise en abyme, je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais j’aime bien ; enfin, je vois ce que c’est, les boucles d’oreille de la vache qui rit, ou notre reflet dans deux miroirs face à face, et tout un tas de procédé de citations multiples.
Disons que la plupart des photos, sauf une, sont des photos de lieux où l’on dépose de l’art.
Donc, vous l’avez compris, au milieu, c’est le milieu le pire, j’ai tendance à penser que vraiment le milieu, c’est le pire, parce qu’on avait toujours la possibilité de ne pas commencer et le fin, c’est la fin tandis que le milieu suppose une suite.

Mais…
Arrive la fin et toujours à la remorque de Beckett, et la fin, à la fin, c’est la fin le pire.
J’ai espéré jusqu’à lundi que le plasticien de juin perdu serait revenu et non, pas là.
Il faudra donc faire avec la disparition
Assurer la fin, quelques jours, quelques photos, vin rouge, vin blanc, des pois chiche à l’algéroise, un dhal, histoire de détourner l’attention, à ça pourrait faire venir du monde et on ne prêtera pas trop attention aux murs.
Au milieu du tumulte, devenir le vent (Lou Dimay).
Ça aurait pu s’appeler comme ça, mais, ça s’appelle état d’urgence ? Pour une grande part, pour ma situation propre, 4 jours et aucune idée pour poser une expo (la méthode Macron, penser que le communicant passe mieux que le communiqué). Et ensuite, même si je trouve que l’on emploie trop souvent l’expression état d’urgence et qu’on la met à toutes les sauces (peut-être même au niveau du réarmement démographique) ; il se trouve que le monde est en état d’urgence, sauf que pareillement, ça ne sert à rien de le dire.
Donc, à Prague il y avait au Rudolfinum, une exposition de Zhania Kadyrova, unexpected (inattendu, imprévu). Juste un mot sur l rudolfinum, un endroit à ne pas manquer, dans le bâtiment de l’opéra, l’entrée est côté Vltava. De belles salles immenses, le parquet craque autant que les gardiens qui ne vous quittent pas d’une semelle. Zhanna, quand on la voit à la recherche de ses gros galets ou entourés de ses voisins légèrement alcooliques et peu versés dans les arts mais qui l’aiment, on a envie de l’appeler Zhanna. Zhanna, donc, évoque la guerre, mais par la bande, non pas dans ce qu’elle est, ou ce qu’elle fait mais dans ce qui reste, trace éphémère de ce qui a été. Zhana Kadyrova est une ukrainienne et son installation concerne l’Ukraine, mais son travail évoque toutes les guerres. Il y a les morts et toutes les atteintes aux productions, lieux culturels qui signe une deuxième mort et celle-là définitive. Que ce soit dans la campagne ukrainienne ou à Gaza, il n’y aura plus rien à tirer des cendres.
Une phrase de Colum Macaan dans Apereigon que je voulais illustrer (ce ne sera pas possible pour cette fois) très simple et lourde de sens :
J’ai une plaque (d’immatriculation) verte !





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