Une vieille émission de 2014 et une rediffusion en 2021, quelques confinements plus loin.
Il se trouve qu’il n’y a pas longtemps, j’ai entendu un extrait très court de cet entretien décoiffant que Marguerite Duras a, avec quelques enfants. Extrait qui s’est mis à jouer sur mon ordinateur.
Elle pose, à bout d’inspiration enfantine, une question dont Jacques Chancel a la paternité, sans aucun doute : qu’est-ce que c’est la mort ?
Et le petit gamin ne se démonte pas, répond et conclue : "on peut pas s’empêcher de mourir, c’est ça la vie." (fin de la première partie)
Ne croyez pas que je savais que 2014 était une date anniversaire pour Marguerite Duras. J’ai du mal à me rappeler la date de mon anniversaire pour ne pas être obnubilé, par celui des autres et surtout s’ils sont morts.
Non , un concours de circonstance a provoqué cette émission et à une semaine près je loupe le centenaire. Quel dommage.
Bref une improvisation radiophonique autour de Duras avec des documents sonores, le texte Ernesto, son seul livre pour enfants et un exercice d’admiration de Camille Laurens.
Je ne sais pas ce que m’a fait Marguerite Duras, un jour.
Marguerite Duras, nom de plume de Marguerite Germaine Marie Donnadieu, est une écrivaine, dramaturge, scénariste et réalisatrice française, née le 4 avril 1914 à Gia Định1 (près de Saïgon), alors en Indochine française, morte le 3 mars 1996 à Paris.
• J’ai commencé tôt à faire de moins en moins ce qui m’aurait plu, et puis à ne plus le faire du tout. C’est ce qu’on appelle une existence remplie.
(Des journées dans les arbres, p.100, in Théâtre II, Gallimard nrf 1968)
A peu de choses près , unités de temps s’appellent sans doute ces choses près ou ces choses là, j’aurais fêté les 100 ans de sa naissance , ou les 18 ans de sa mort. Je pense qu’aucun de ses anniversaires ne l’aurait intéressé. Et ne m’intéresse pas plus. Je ne sais trop ce qui a imposé cette émission sans doute l’aporie de la démocratie telle que nous la vivons. Un discours politique impossible à entendre.
• Je connais quelqu’un, c’était pareil, c’était comme ça, elle avait une maison mais elle ne pouvait pas rester dedans. La maison était pleine de trous et elle, elle coulait par les trous. Alors on l’a mise dans une maison sans trous, avec des barres de fer à la place des trous, alors elle reste entièrement maintenant.
(Le Shaga, p.200, in Théâtre II, Gallimard nrf 1968)
J’avais pensé faire une émission, non pas hommage, j’en suis incapable pour diverses raisons, d’abord, je ne saurais pas faire différemment des autres (et ça, ça m’embête), égrainer, chaque épisode de sa vie dans une chronologie absurde qui ne vous dira rien de plus que ce que l’on sait déjà ou même pire ce que l’on ne veut pas savoir , ensuite , je ne suis pas un lecteur assidu et savant de Duras, quelques phrases de ci, delà qui restent comme celle-ci tirées d’Hiroshima mon amour, je suis d’une moralité douteuse, je doute de la morale des autres.
La ritournelle de la morale démontée par une ritournelle implacable.
• Je comprends, mais je ne vois pas pourquoi je comprends. Je comprends ce que vous dites, mais ce que vous voulez dire en disant ce que vous dites, ça je ne le comprends pas.
Un résumé de tout ce qu’on entend sur ce que l’on doit être, sur ce qu’il faut être, sur ce qu’il faut paraître, un abominable individu moyen. On dit des intellectuels qu’ils sont différents, mais jamais des ouvriers, il ne faut jamais être allé dans un bar sur un port comme celui de moderato cantabile. Tout le monde est différent et c’est ce qui nous sauve.
• [...] pour que vous vous intéressiez à moi, il faut que je vous parle de vous.
(Un barrage contre le Pacifique, p.258, Livre de Poche n° 244
Mais déjà je me perds, dans la simplicité des mots et des choses.
Bien sûr , je lisais avant, mais pas Marguerite Duras, je n’étais pas littéraire , de toute façon, je ne savais pas qu’elle existait… Et ma première rencontre avec elle, ce fut au cinéma.
Dans le milieu des années 70, il y a avait près de la gare Saint Agne un cinéma qui s’appelait le st Agne, comme les choses sont simples, le cinéma de St agne s’appelle le St agne, dit-il et on le voit apparaître , le st agne… Le st agne avait un label cinéma art et essai et la programmation comme une ritournelle envoûtante autour d’une série de films : harold et maud, zabriskie point, woodstock, brewster mc cloud, if, la nuit américaine et tant d’autres. Un cinéma où la fumée était aussi un des éléments principaux, on pouvait y fumer et certains soirs dans cette brume, … Une émotion, une révélation, une matière à penser le monde.
• J’ai commencé tôt à faire de moins en moins ce qui m’aurait plu, et puis à ne plus le faire du tout. C’est ce qu’on appelle une existence remplie.
(Des journées dans les arbres, p.100, in Théâtre II, Gallimard nrf 1968)
Et puis une nuit india song…
India song avec l’évanescence de Delphine seyrig….
cette fin de coucher de soleil en temps réel, puis une histoire racontée et le piano, india song.
Sous les bruits divers, les éclats de rire, les claquements de siège, je vois et surtout j’entends ce que je n’avais jamais vu et entendu. Et mon corps ressent, la chaleur, la fixité des corps sous la mousson d’été. J’y apprends que les hommes aussi sont hystériques et qu’il faut regarder les femmes pour ce qu’elles sont ; des femmes tout simplement , et non pas la représentation de ce qu’en attendent les hommes : la femme comme le miroir de la reine dans Blanche Neige. Ne suis-je pas le plus beau, le plus intelligent, le meilleur amant, l’indispensable, le nécessaire. Ce fut loin d’être aussi clair, mais bon,
Après la cinémathèque , avec hiroshima mon amour, moderato cantabile, détruire, dit-elle et ainsi de suite.
Pus vinrent les livres et le plaisir renouvelé de la suspension, de la phrase épurée à l’extrême, du sens qu’elle, que je pose que nous posons. Peu importe.
Donc de marguerite duras, vous n’aurez que ce qu’elle dit d’elle, et juste quelques souvenirs d’elle par moi ou de moi dans elle et de moi par elle.
Moi je ressemble à tout le monde. Je crois que jamais personne ne s’est retourné sur moi dans la rue. Je suis la banalité
« Que ce serait terrible si les koudous n’existaient pas. »
Anna à la fin du marin de Gibraltar