occuper la nuit du 28 septembre au 5 octobre 2025
publié le 28 septembre, par / Temps de lecture estimé : 5 mn /
TOUS LES JOURS UNE HEURE À UNE HEURE
Outre le fait que ce « grand remplacement » de l’héllénité et de la latinité par le judéo-chrétien signe l’avènement spectaculaire du recours contemporain au registre religieux pour qualifier tout fait de culture, il est le fruit d’une formidable occultation, si l’on veut bien considérer que cet accouplement permet de jeter un voile sur près de deux millénaires de haine antijuive et sur la longue négation par l’Eglise catholique de sa filiation abrahamique .
Sophie Bessis lacivilisation judéo-chrétienne : l’anatomie d’une imposture
LUNDI
Dubillard L’ascenseur
Le règne de la mondialisation marchande ne s’accommode pas de pensées susceptibles de faire croire à l’humanité qu’elle pourrait se réunir sous une autre bannière que la sienne. Pour uniformiser le monde selon sa logique et ses besoins, il lui faut séparer les humains, les convaincre du caractère insurmontable de leurs différences, tout en standardisant leurs aspirations grâce aux outils d’une communication devenue planétaire.
MARDI
le train la nuit
Depuis qu’elle s’est constituée comme telle, dessinant ses frontières et s’instituant comme LA civilisation, l’Europe ainsi créée n’a cessé de rejeter dans les limbes tout ce qui pouvait porter atteinte à cette construction de sa per- sonnalité. Tout ce qui la rapprochait culturel- lement de l’Orient devait donc être exclu de son état civil, quitte à tordre le cou à l’histoire.
MERCREDI
Deux stratégies complémentaires ont été progressivement mises en œuvre pour y parvenir [restaurer les « valeurs » de l’Occident après la 2nd guerre mondiale] , et pour retrouver par ce biais l’innocence perdue. La première a été, non pas seulement de porter l’État d’Israël sur les fonts baptismaux, mais d’en défendre quasi inconditionnellement la politique expansionniste jusqu’à cautionner sans états d’âme la colonisation systématique de ce qui restait de Palestine après la fondation de l’État et la guerre de 1948. Pour que l’Occident puisse rétablir cette supériorité morale dont il a fait son apanage exclusif mais que le nazisme avait fait plus qu’ébranler, il fallait et il faut encore qu’Israël soit non seulement l’héritier de la victime, mais victime lui même de toute éternité.
Il fallait qu’il soit définitivement innocent et que jamais, quelles que soient ses actions, il ne passe dans le camp des bourreaux. C’est à cette condition que l’Occident a estimé pouvoir se laver de son crime.
JEUDI
Le Juif a ainsi servi, pour des causes diverses, d’éternel coupable dont la nature des crimes n’a cessé d’évoluer mais dont la gravité est demeurée entière. A partir du dernier quart du XXème siècle, cette culpabilité a progressivement cédé la place à un philosémitisme qui a atteint son apogée après le massacre commis par le Hamas le 7 octobre 2023 et que l’effroyable riposte du pouvoir israélien n’a pas entamé.
Le problème réside dans le fait que ce renversement repose sur des bases tout aussi contestables et dangereuses que son opposé de naguère. Car il est assis sur le même postulat, celui du caractère exceptionnel de la personnalité juive. Jamais le juif n’est comme les autres, jamais il ne peut être un humain ordinaire, ayant droit à la salutaire indifférence de ses contemporains. Jadis ployant sous l’opprobre, chargé de cette culpabilité dont rien ne pouvait le soulager, il s’est transmué en innocent ontologique et rien, aucun crime commis en son nom n’est susceptible d’interroger cette innocence. Certes, la défense quasi inconditionnelle par l’Europe et l’Amérique du Nord d’un pouvoir israélien désormais coupable des pires atrocités envers les Palestiniens et les populations de son entourage immédiat a des raisons bien triviales, de nature économique et géostratégique. Les Etats occidentaux sont également aveugles à sa dérive du fait que cette dernière résulte d’une logique coloniale qui leur est familière. Les Etats-Unis, pays fondé sur l’extermination d’un peuple, ne voient peut-être pas de scandale au fait que leur allié n’envisage son expansion territoriale et même sa survie qu’au prix de l’annihilation d’un autre. Du côté européen, on ne peut tenir pour négligeable ce refoulé colonial présidant en partie au soutien manifesté par les anciennes puissances impériales envers un Etat qui les vengerait en quelque sorte des épisodes les moins glorieux pour elles de la décolonisation. La spectaculaire sympathie exprimée envers l’Israël d’aujourd’hui par des extrêmes droites nostalgiques de la « grandeur » coloniale relève sans nul doute - au moins en partie- du sentiment de partager une revanche sur les défaites que leurs pays ont naguère subi face aux colonisés. Cette dimension ne peut être dite au grand jour mais elle existe, et compte dans la balance.
VENDREDI
Violon dans tous ses états
Ainsi, par un de ces paradoxes dont l’histoire a le secret, ceux qui auraient pu être des ponts ont aidé à édifier des murs.
SAmEDI
un batheure, un bon batmoment avec de batmusiques et de batrépliques.
DIMANCHE
IN C la mythique composition de Terry Riley à la sauce africaine
Après la Seconde Guerre Mondiale, après que les rouages de la machine à exterminer nazie ont été progressivement mis au jour, l’Europe nazie et plus largement l’Occident ont dû restaurer les « valeurs » dont ils s’étaient institués depuis deux siècles les seuls énonciateurs et dépositaires malgré la violence exterminatrice de leurs conquêtes coloniales, et qui avaient été consumées elles aussi dans la fumée des crématoires. Deux stratégies complémentaires ont été progressivement mises en œuvre pour y parvenir, et pour retrouver par ce biais l’innocence perdue. La première a été, non pas seulement de porter l’Etat d’Israël sur les fonts baptismaux, mais d’en défendre quasi inconditionnellement la politique expansionniste jusqu’à cautionner sans états d’âme la colonisation systématique de ce qui restait de Palestine après la fondation de l’Etat et la guerre de 1948. Pour que l’Occident puisse rétablir cette supériorité morale dont il a fait son apanage exclusif mais que le nazisme avait fait plus qu’ébranler, il fallait et il faut encore qu’Israël soit non seulement l’héritier de la victime, mais victime lui-même de toute éternité. Il fallait qu’il soit définitivement innocent et que jamais, quelles que soient ses actions, il ne passe dans le camp des bourreaux. C’est à cette condition que l’Occident a estimé pouvoir se laver de son crime.
La seconde stratégie a consisté à populariser le terme de judéo-chrétien jusqu’à en faire … le socle de la civilisation occidentale. Ainsi marié au judaïsme, les pays de tradition chrétienne peuvent s’exonérer à bon compte de leur passé, et d’une partie de leur présent.
Mais le diable, on le sait, se cache dans les détails. Cette nouvelle identité collective que l’Occident se donne officiellement, après avoir si longtemps répudié le cousinage entre ces deux versions de la révélation abrahamique, permet aussi en annexant le juif au seul espace occidental, de s’assurer du même coup la propriété exclusive de la part d’universel dont est crédité son message. De fait, l’émergence du judéo-chrétien comme sujet collectif escamote le juif, cette éternelle incarnation de l’Autre qu’on faisait venir d’un lointain ailleurs oriental, mais dans lequel il fallait bien reconnaître le premier énonciateur chronologique de l’universel monothéiste. Finies les questions insolubles de filiation ou d’héritage, l’avènement d’un « judéo-chrétien » indifférencié fait apparaître l’Occident comme l’inventeur unique de l’universel, toutes ses racines y étant, par ce procédé, rapatriées. Quand il ne peut être rejeté dans une totale altérité, l’Autre est en quelque sorte absorbé avec l’ensemble de ses propriétés.


