Une histoire de l’abolitionnisme pénal avec Gwenola Ricordeau et Shaïn Morisse.
Il y a d’abord une évidence : les services que les prisons sont censées rendre ne compenseront jamais les torts qu’elles causent. Depuis les années 1960, ce constat d’un immense gâchis a amené un vaste mouvement à œuvrer à l’abolitionnisme pénal : en finir avec toutes les prisons, mais aussi avec les autres institutions qui forment le système pénal, comme la police et les tribunaux. Ce projet politique poursuit ainsi un objectif ambitieux : rendre vraiment justice aux victimes et répondre à leurs besoins, en plus de prévenir les violences systémiques et interpersonnelles.
En prenant appui sur les trajectoires transnationales des mouvements politiques qui ont mis au cœur de leur démarche la critique radicale du système carcéral et judiciaire, cet ouvrage, le premier du genre en langue française, offre une documentation indispensable pour inspirer les luttes contemporaines.
Collection : Instinct de liberté
Lux Éditeur
Lors du lancement sur Radio libertaire, (89.4), en février 1989, l’émission « Ras les murs » a pris pour générique un texte de Kropotkine, tiré de Paroles d’un révolté :
« Brûlons les guillotines, démolissons les prisons, chassons le juge, le policier, le délateur - race immonde s’il en fut jamais sur la terre - traitons en frère celui qui aura été porté par la passion à faire du mal à son semblable ; par-dessus tout, ôtons aux grands criminels, à ces produits ignobles de l’oisiveté bourgeoise, la possibilité d’étaler leurs vices sous des formes séduisantes et soyons sûrs que nous n’aurons plus que très peu de crimes à signaler dans notre société. Ce qui maintient le crime contre l’oisiveté, c’est la Loi et l’Autorité : la loi sur la propriété, la loi sur le gouvernement, la loi sur les peines et délits, et l’Autorité qui se charge de faire ces lois et de les appliquer. »
(p42)
Nils Christie fait par exemple valoir que Plus largement, les personnes concernées (victimes et auteurs) se voient imposer par la justice des rôles et des modes d’interaction dans lesquels elles ne se reconnaissent pas forcément. Les termes du règlement du conflit sont largement détournés des parties impliquées, puisque la société, abstraitement représentée par les institutions pénales, leurs symboles et leurs spécialistes, est censée être l’actrice principale du jugement.
(p248)
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Si on considère que la prison est une invention occidentale que l’entreprise coloniale et l’impérialisme ont imposée au reste du monde, il n’y a rien d’étonnant à ce que la critique de la prison dans des pays colonisés prenne d’autres formes que l’abolitionnisme né en Occident.
(p52)
L’abolitionnisme pénal ne cherche ni à abolir les conflits, ni à les laisser exister sans y apporter de solution, ni à promouvoir la vengeance privée. Il propose plutôt des formes de résolution décentralisées qui impliquent une désinstitutionnalisation des conflits, afin que puissent émerger d’autres types de régulation sociale, non punitifs et qui prennent en compte les besoins et les intérêts des personnes ayant subi des torts ou demandant réparation.
(p65)
j’ai progressivement acquis la conviction que la solution réside dans l’inachevé, dans l’esquisse, dans ce qui n’existe pas encore totalement »